Portrait d’un origamiste français : Pierre-Yves Gallard
Aujourd'hui, j’ai le plaisir de vous présenter un format inédit et un peu spécial sur mon blog : une série de portraits d'origamistes talentueux venant de différents pays, sous forme de questions-réponses. Pour inaugurer cette série, j’ai choisi de mettre en avant Pierre-Yves Gallard, un origamiste français passionné et reconnu pour son savoir-faire. Derrière chaque pli, chaque sculpture en papier se cache une histoire et je suis ravie de vous raconter celle de Pierre-Yves, sa passion pour l'origami et son parcours remarquable. Découvrez avec moi cet artiste exceptionnel et laissez-vous inspirer par sa créativité.
Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
Pierre-Yves Gallard est un origamiste et photographe français, vivant dans le sud du Jura. J’ai pu faire sa connaissance en octobre 2022 lors de la convention internationale d’origami à Lyon. Rappelez-vous, après une journée de convention bien remplie, j’avais participé à un atelier origami improvisé organisé par Dominik Kazus (un origamiste polonais) et Pierre-Yves Gallard. Avec un groupe d’environ 10 personnes, Pierre-Yves nous avait appris à plier Le Joker, modèle qu’il a conçu lui-même.
Ci-dessus, vous pouvez admirer le modèle que j’ai plié lors de la convention.
Et ici le Joker d’origine de Pierre-Yves. Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
Si vous voulez en savoir plus sur cette convention origami, rendez-vous ici : Convention origami à Lyon : Bilan.
Pierre-Yves Gallard est également membre du club origami OriLyon, un groupe qu’il avait rejoint lorsqu’il habitait à Lyon. Il se compose d’une quinzaine de plieurs ultra-motivés de tout niveau et de tous horizons. La pratique du pliage collectif a beaucoup appris à Pierre-Yves et l’a encouragé à se lancer dans ses premières créations.
Après cette petite introduction, je vous laisse en compagnie de Pierre-Yves qui a répondu à quelques-unes de mes questions.
Depuis combien de temps pratiques-tu l'origami, et comment as-tu commencé ?
Enfant, je pliais des avions en papier avec mes copains dans la cour de récré. Mais c’est vers 2016 que je me suis vraiment mis à l’origami : d’abord grâce à des tutoriels sur YouTube, puis en achetant des manuels. Après quelques années passées à apprendre les techniques de base et à interpréter des modèles conçus par d’autres, j’ai commencé à créer mes propres modèles.
Comment as-tu développé ton propre style et tes techniques d'origami ?
Comme je le disais, j’ai commencé par plier des modèles conçus par d’autres créateurs : ces années de pratique m’ont permis d’intégrer les techniques de base et aussi de me rendre compte des possibilités infinies offertes par l’origami. Au bout d’un moment, j’ai eu envie de concevoir mes propres modèles. Au départ, j’essayais surtout de transformer des modèles préexistants afin d’y apporter ma touche personnelle ; ou bien je m’inspirais du style d’un auteur, dont j’essayais de comprendre les ressorts. A force d’essais (et d’échecs !), j’ai gagné en maîtrise et j’ai développé mes propres solutions.
"Fashion show" conçu et plié par Pierre-Yves Gallard. Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
Comment choisis-tu les types de papier pour tes créations, et comment cela affecte-t-il le résultat final ?
Lorsque je fais des essais, je pars le plus souvent d’une feuille de kami standard. Puis, à mesure que le modèle se précise dans mon esprit, je réfléchis au papier qui conviendrait le mieux pour le plier. Je sélectionne ce dernier en fonction de critères esthétiques, mais aussi techniques : ainsi, le grammage, la souplesse, la résistance de la feuille sont autant d’éléments qui influent considérablement sur le résultat final. Je fais souvent plusieurs essais avant de trouver la solution idéale ; souvent, je dois "fabriquer" ma feuille sur mesure – en la peignant, ou en collant deux feuilles l’une sur l’autre afin d’obtenir un recto et un verso différents. C’est un aspect de la création que j’aime beaucoup.
"Robins" conçus et pliés par Pierre-Yves Gallard. Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
Peux-tu nous parler d'un projet d'origami particulièrement complexe que tu as réalisé ?
Je ne suis pas vraiment attiré par ce qu’on appelle les modèles "super-complexes", qui requièrent des heures voire des jours de pliage : je les trouve très impressionnants lorsque j’en vois, mais je n’ai pas particulièrement envie de les plier à mon tour. Les modèles que j’ai le plus de plaisir à faire sont de niveau intermédiaire : ce sont des pliages qui demandent 15 à 45 minutes. En revanche, j’aime lorsqu’un modèle présente un petit défi technique : une série de plis inhabituels ou amusants, par exemple.
Dernièrement, le gros défi technique que je me suis lancé a été de plier un manchot en origami dans une feuille d’1m50 de côté : concrètement, le pliage de ce modèle ressemblait parfois autant à un spectacle de contorsionniste qu’à une séance d’origami !
"Penguin", conçu et plié par Pierre-Yves Gallard. Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
Comment utilises-tu ta créativité dans ta pratique de l'origami ? Comment trouves-tu de l'inspiration pour de nouveaux modèles ?
C’est LA grande question! J’aimerais pouvoir y répondre simplement, mais il n’y a pas de recette miracle pour susciter l’inspiration et entretenir la créativité. Tout ce qu’on peut faire, c’est ménager des conditions favorables pour faire germer de nouvelles idées. Ces idées surgissent souvent quand je suis en vacances, l’esprit reposé et disponible. Elles peuvent venir d’une lecture, d’une expérience, d’une observation… Le plus souvent, elles prennent la forme d’une envie plutôt que d’une solution : j’ai envie de représenter tel ou tel sujet, même si je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre.
Depuis quelques temps, je participe aussi à des défis de création, avec quelques amis origamistes du club OriLyon : nous nous fixons un thème commun, et chacun propose une interprétation de ce thème en origami. Cette émulation et ces échanges sont très porteurs.
Y a-t-il un message ou une signification particulière que tu essaies de transmettre à travers tes créations en origami ?
Pas particulièrement. Mon objectif est plutôt de créer une impression chez les spectateurs : cela peut être une émotion, une réflexion ou une rêverie… Il s’agit donc plus de toucher, d'interpeller ou d'intéresser, que de transmettre un message construit.
"Rhinoceros" conçu et plié par Pierre-Yves Gallard. Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
Quels sont les défis les plus courants rencontrés par les origamistes ? Comment surmontes-tu ces défis ?
Un défi qui revient fréquemment lorsqu’on conçoit un nouveau modèle, c’est de dégager une pointe de la feuille de papier : cette pointe sera ensuite modelée pour prendre la forme d’une aile, d’une patte, d'une nageoire ou d'une tête, selon le sujet qu’on cherche à représenter. Le problème, c’est que plus le modèle comporte de pointes, plus sa structure est complexe. C’est pourquoi j’essaie le plus souvent de réduire le nombre de pointes. Tout d’abord, je me demande ce qu’il est indispensable de représenter pour rendre le modèle identifiable, et ce dont on peut se passer. Puis, j’essaie de ruser, en suggérant plutôt qu’en représentant : souvent, une ligne de pli bien placée peut se substituer avantageusement à une patte ou à un bras complètement formé.
Parmi les modèles que j’ai créés, celui qui pousse ce principe le plus loin est mon moine bouddhiste : tout y est suggéré. Ce personnage n’a ni jambes, ni bras : juste une tête et une robe (un kesa) : l’imagination des spectateurs fait le reste.
"Buddhist monk" conçu et plié par Pierre-Yves Gallard. Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
Qu'est-ce qui te plaît le plus dans la pratique de l'origami ?
Je ne saurais le dire précisément. Disons l’émerveillement de voir une simple feuille de papier se transformer et "prendre vie".
Quel est ton modèle d'origami préféré, et pourquoi ?
Je n’ai pas UN modèle fétiche, mais il y a deux modèles que j’ai souvent pliés et offerts en cadeaux : il s’agit du paon de Jun Maekawa et d’un coquillage de Tomoko Fuse baptisé "Solid shell". Outre le fait qu’ils sont agréables à plier, ces deux modèles ont pas mal de points communs. Tout d’abord, ils sont très stylisés, géométriques et récursifs : ce type de design me fascine et me procure un vif plaisir de plieur et de spectateur. Ce sont aussi des modèles qui se laissent admirer sous tous les angles et dont la structure est tellement maîtrisée qu’ils ne s’affaissent ni ne se déplient avec le temps : même après plusieurs années d’exposition sur une étagère, ils conservent une forme intacte.
"Peacock" conçu par Jun Maekawa et plié par Pierre-Yves Gallard. Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
"Solid shells" conçus par Tomoko Fuse et pliés par Pierre-Yves Gallard. Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
Peux-tu nous parler du jeu Sea, Salt & Paper ?
Sea, Salt & Paper est un jeu créé par Bruno Cathala et Théo Rivière. Les éditions Bombyx, qui ont produit le jeu, m’ont approché pour me demander d’en illustrer les cartes. Pour répondre à cette commande, je me suis associé à un ami, Lucien Derainne : ensemble, nous avons conçu, plié puis photographié une bonne trentaine de modèles sur le thème marin. C’était un projet très stimulant et une belle vitrine pour nos modèles. Cerise sur le gâteau : nous avons même obtenu l’autorisation d’intégrer à notre "océan de papier" trois créations de Tomoko Fuse, une célèbre origamiste japonaise !
Crédit photo : Pierre-Yves Gallard
As-tu des projets futurs ?
Plein !
J’espère que cette rencontre avec Pierre-Yves Gallard vous a plu et inspiré et que vous avez pu en apprendre davantage sur ce monde fascinant. Je suis impatiente de partager avec vous les portraits des autres origamistes de cette série, afin de continuer à explorer ensemble les merveilles de cet art millénaire.
Je vous partage ici ses différents comptes. Je vous invite à aller voir son travail et ses créations si touchantes et poétiques.
Comme d’habitude, n’hésitez-pas à me faire part de vos commentaires ci-dessous ou sur les réseaux sociaux.
Un grand merci Pierre-Yves pour ta disponibilité, ta générosité et tous tes conseils. Ce fut un réel plaisir d’échanger avec toi et d’en apprendre plus sur notre passion commune.